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Le contrôle du barème d'indemnisation du salarié licencié sans cause réelle et sérieuse

Droit social
Cass., Soc., 11 mai 2022 (4 arrêts)

Contexte


L'ordonnance du 22 septembre 2017 a établi un barème qui détermine l'indemnité que doit verser l'employeur à un salarié lorsqu'il le licencie sans cause réelle et sérieuse. Ce barème, fixé au regard du salaire du salarié, prend en compte son ancienneté dans l'entreprise. Ce barème a été déclaré conforme à la Constitution en 2018.


Par barème, il faut entendre que l'indemnité que va percevoir le salarié ne peut être inférieure à une certaine somme (plancher) et supérieure à une autre (plafond).


En l'espèce, des salariés et syndicats ont saisi la justice prud'homale pour contester la conformité du barème à des conventions internationales signées par la France, et ainsi faire écarter son application au profit des dispositions directement issues des conventions, susceptibles de permettre une meilleure indemnisation.


La question ainsi posée à la Cour de cassation était donc de savoir si le barème doit être conforme aux normes invoquées ?



I. Le barème est compatible avec la convention n°158 de l'OIT


Selon cette convention de l'Organisation Internationale du Travail, en cas de licenciement injustifié, le juge doit pouvoir ordonner le versement d'une indemnité adéquate au salarié.

Par "injustifié", il faut entendre en France le licenciement sans cause réelle et sérieuse mais aussi le licenciement nul (si violation d'une liberté fondamentale ; en lien avec une situation de harcèlement moral ou sexuel ; décidé de manière discriminatoire...)

Par "adéquate", le Conseil d'administration de l'OIT entend que le versement de cette indemnité doit dissuader suffisamment l'employeur de licencier sans cause réelle et sérieuse.


La Cour de cassation répond à ces exigences en affirmant que le droit français dissuade suffisamment de licencier sans cause réelle et sérieuse par l'obligation de l'employeur de rembourser aux organismes d'assurance-chômage jusqu'à six mois d'indemnités.


En outre, la Cour considère que le droit français permet une indemnisation raisonnable du licenciement injustifié. L'indemnisation des licenciements nuls n'est pas soumise au barème. Quant au licenciement sans cause réelle et sérieuse, le barème non seulement tient compte de l'ancienneté du salarié et de son niveau de rémunération, mais son application dépend de la gravité de la faute commise par l'employeur.


Au regard de la marge d'appréciation laissée aux États et de l'ensemble des sanctions prévues par le droit français en cas de licenciement "injustifié", la Cour de cassation juge le barème compatible avec la Convention.



II. L'absence de contrôle de conventionnalité in concerto des indemnisations


Un contrôle de conventionnalité in concreto est réalisé par le juge national lorsqu'il écarte une norme interne si son application porte une atteinte disproportionnée à un droit fondamental garanti par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.


En matière de licenciement sans cause réelle et sérieuse, un contrôle de conventionnalité in concreto reviendrait pour le juge à choisir d'écarter le barème au cas par cas, au motif que son application ne permettrait pas de tenir compte des situations personnelles de chaque justiciable et d'attribuer au salarié une indemnisation "adéquate".


Or, ce contrôle :

  • créerait pour les justiciables une incertitude sur la règle de droit applicable, qui serait susceptible de changer en fonction de circonstances individuelles et de leur appréciation par les juges ;

  • porterait atteinte au principe d'égalité des citoyens devant la loi (art. 6 Déclaration 1789).

La Cour de cassation juge que la détermination du montant réparant le préjudice causé par un licenciement sans cause réelle et sérieuse ne se prête pas à un contrôle de conventionnalité in concreto.



III. L'absence d'effet direct de l'article 24 de la Charte sociale européenne


L'effet direct d'une convention internationale désigne le fait qu'elle peut être directement invoquée par les particuliers devant les juridictions nationales.


L'article 24 de la Charte prévoit que les États signataires s'engagent à reconnaître aux salariés qui ont été licenciés sans motif valable le droit à une indemnité adéquate.


Certes les termes de cet article sont proches de ceux de la Convention de l'OIT mais la charte repose sur une logique programmatique : elle réclame des États une traduction de ses objectifs dans leurs textes nationaux. En outre, le contrôle du respect de la Charte est effectué par le Comité européen des droits sociaux, saisi par des réclamations. Sa saisine n'a donc pas de caractère juridictionnel et ses décisions n'ont pas de caractère contraignant en France.


Dès lors, la Cour de cassation, énonçant les critères définissant l'effet direct, juge que les employeurs et salariés ne peuvent se prévaloir de l'article 24 de la Charte devant le juge en charge de trancher leur litige.




IV. Synthèse


  • Le barème d'indemnisation du salarié licencié sans cause réelle et sérieuse n'est pas contraire à l'article 10 de la convention n°158 de l'Organisation internationale du travail.


  • Le juge français ne peut écarter, même au cas par cas, l'application du barème au regard de cette convention internationale.


  • La loi française ne peut faire l'objet d'un contrôle de conformité à l'article 24 de la Charte sociale européenne, qui n'est pas d'effet direct.




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