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Rupture du contrat de travail et liberté d'expression d'un animateur

Dernière mise à jour : 6 sept. 2022

Droit social

Cass., Soc., 20 avril 2022, n°20-10.852


Contexte


L'humoriste Tex avait été engagé en qualité d'animateur par la société Sony Pictures télévision production France pour animer le jeu télévisé "Les Z'amours".


En 2017, le salarié fut mis à pied et convoqué à un entretien préalable en vue d'une possible sanction pouvant aller jusqu'au licenciement. L'employeur lui a ensuite notifié la rupture de son contrat pour faute grave.


Il lui était reproché un trait d'humour provoquant lors d'une émission de télévision, et des propos sarcastiques tenus à des collègues en "off".


Le salarié a alors saisi le conseil des prud'hommes pour demander la nullité du licenciement. Après qu'un appel ait été interjeté, la cour d'appel a déclaré le licenciement justifié. Le salarié s'est alors pourvu en cassation.


L'argumentaire du salarié (moyens)


Le salarié reproche à la cour d'appel d'avoir jugé motivée la rupture des relations contractuelles et les conséquences qui s'en suivent alors qu'il jouissait, en tant que salarié, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression. Sauf abus résultant de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs, cette liberté ne peut être restreinte qu'en raison de la nature de la tâche à accomplir. La restriction doit par ailleurs être proportionnée au but recherché.


Or, l'entreprise s'est fondé sur un trait d'humour provocant de l'humoriste lors d'une émission, et des propos sarcastiques à l'égard de collègues sans publicité dans un cercle restreint, pour caractériser une faute grave.


La cour d'appel, en confirmant la décision de l'employeur, aurait donc violé l'article L. 1121-1 du Code du travail et l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.


Ainsi, la question posée à la Cour de cassation était de savoir si des propos tenus par un salarié d'une chaine de télévision dans son rôle d'animateur peuvent caractériser une faute grave justifiant son licenciement et qu'il soit porté atteinte à sa liberté d'expression.


Solution de la Cour de cassation


La Cour de cassation répond par la positive en rejetant le pourvoi du salarié et en confirmant la décision de la cour d'appel.


Elle réaffirme ainsi que si au visa de l'article 10 de la Convention toute personne a droit à la liberté d'expression, qui comprend la liberté d'opinion et de recevoir ou de communiquer des informations ou idées, l'exercice de ces libertés comportent des devoirs et des responsabilités.


Ainsi, des formalités, conditions, restrictions ou sanctions peuvent être posées lorsqu'elles constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, notamment à la protection des droits d'autrui.


En l'espèce, afin de vérifier si la mesure en question, ici le licenciement du salarié, était nécessaire, la Cour vérifie que la cour d'appel a effectué un contrôle de proportionnalité.


La cour d'appel a constaté qu'il existait dans le contrat de travail des clauses spécifiques dont le non-respect entrainerait immédiatement la rupture du contrat, notamment en cas d'atteinte au respect des droits et de la dignité de la personne par des propos risquant d'exposer une personne à la haine ou au mépris pour des motifs fondés sur le sexe ou valorisant la violence ou le sexisme.


La cour d'appel a ensuite vérifié l'application de ces clauses aux propos du salarié. Lors d'une émission diffusée en direct, l'humoriste a tenu un trait d'humour : "les gars, vous savez c'qu'on dit à une femme qu'a déjà les yeux au beurre noir ? (...) on lui dit plus rien, on vient déjà d'lui expliquer deux fois !".


Ces propos ont été tenus alors qu'étaient médiatisées la création de blogs d'expression de la parole de femmes (#metoo et #balancetonporc), la journée internationale des droits de la femme et l'annonce du Président de la République de mesures visant à lutter contre les violences sexistes et sexuelles.


En outre, dans les jours suivants, il avait insisté à l'égard d'une candidate sur la fréquence de ses relations sexuelles avec son compagnon alors que son employeur lui avait demandé de faire évoluer son comportement sur le plateau avec les femmes.


Ainsi, ces propos ont renforcé la banalisation de la violence et de la misogynie et ont donc caractérisé une faute grave, justifiant le licenciement. La rupture du contrat n'est pas disproportionnée et ne portait donc pas une atteinte excessive à la liberté d'expression du salarié.





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