Droit commercial & des affaires
Tribunal de commerce de Paris, Ord., 22 septembre 2022
Contexte
Il semblerait que Joséphine Ange Gardien soit l’ultime solution pour régler le litige entre le groupe Canal + et le groupe TF1. Après que TF1 ait fait une action en référé auprès du tribunal de commerce de Paris, le 7 septembre 2022, l’ordonnance du 22 septembre 2022 rendue par ladite juridiction donne (pour le moment) raison au groupe Canal +. Le litige opposait un désaccord commercial entre les deux groupes, relatif à la diffusion des chaînes « gratuites » de TF1 afin que les abonnés de Canal + puissent en bénéficier. La dernière convention ayant atteint son terme le 31 août dernier, le groupe TF1 demandait une augmentation de ses tarifs pour le renouvellement, ce à quoi le groupe Canal + s’opposa. Cette mésentente commerciale donna lieu à une suppression définitive des chaînes liées au groupe TF1 pour tous les abonnés au groupe Canal +.
La prise en otage des téléspectateurs dans ce conflit
La demande en référé du groupe TF1 était la suivante : obliger Canal + à diffuser les chaînes en question, et in fine, stopper la dernière action consistant à afficher le message « Canal + est contraint de renoncer aux termes de son contrat » lorsque les abonnés se rendaient sur les canaux réservés initialement aux chaînes du groupe TF1. En déboutant TF1 de son action, le tribunal de commerce de Paris, en déclarant que Canal + n’était pas obligé de diffuser les chaînes TF1, réalise une action lourde de conséquences. D’une part, cela attribue un premier point au groupe Canal +, qui sera d’autant plus confiant dans l’attaque initiée par lui-même. En effet, Canal + a assigné TF1 au tribunal de commerce de Nanterre pour abus de position dominante sur le marché et pratiques discriminatoires, alléguant le fait que TF1 profiterait de ses chaînes accessibles gratuitement et à forte visibilité pour avoir des exigences commerciales infondées et déraisonnables, tout en offrant ses services à des tarifs nettement moins chers à l’instar du Groupe Alto. D’autre part, le spectateur est finalement la personne la plus touchée dans cette décision qui s’apparente à une non-obligation de faire, mais qui ne résout pas le fait que de nombreux téléspectateurs se retrouvent actuellement privés de chaînes majeures dans le paysage audiovisuel.
Un précédent entre les acteurs et un cas de figure classique
Ce litige n’est pas une première puisque que les groupes TF1 et M6, lors de leurs renouvellements de contrats de distribution, avaient déjà fait mention de l’importance de la rémunération, envers les fournisseurs d’accès à internet (FAI) et le groupe Canal +. C’est à l’occasion de cette première mésentente que des contrats furent conclus, aujourd’hui remis en cause par la demande de rehaussement des tarifs. Le caractère gratuit des décisions est déjà, par nature très compliqué d’un point de vue du droit de la concurrence. On peut se souvenir du litige opposant LCI à BFMTV où le juge des référés avait jugé que la concurrence de LCI en diffusion gratuite ne mettrait pas en cause l’équilibre économique de BFMTV de façon suffisamment grave et immédiate pour justifier une suspension (CE, 9 février 2016, n°395825).
On sait également que les diffusions gratuites sur les réseaux non-hertziens ont déjà eu de nombreux litiges suite à des non-renouvellement de convention entre les opérateurs, à l’image de l’affaire opposant SFR à la société Altice France (voir Cass, Com, 16 mars 2022, n°20-18.231) où il était question de l’impact de l’affichage du différent commercial. Il en aurait pu d’ailleurs être de même pour le message d’information de Canal + à l’intention de ses abonnés lorsque ces derniers se rendent sur les chaînes anciennement disponibles.
Pour rappel procédural, le juge des référés, dans le cadre du « référé audiovisuel » a un pouvoir très important qu’il tire de l’article 42-10 de la loi du 30 septembre 1986. En effet, le président du contentieux du CE peut prescrire des mesures à caractère conservatoire et ordonner toute mesure visant à ce que l’auteur du manquement mette fin à l’irrégularité qu’il effectue. Cela passe à la fois par une obligation de diffusion que par une prohibition de diffusion (CE, 19 juillet 2006, CSA c/ Société Saprofid, n°294663).
La particularité du Groupe TF1 et notamment de ses chaînes diverses, provient du fait qu’elles s’inscrivent dans la TNT gratuite, sujet d’une partie du litige sur lequel s’est prononcé le tribunal de commerce. Or, ce passage de la TNT payante à la TNT gratuite est conditionné, et fait l’objet de nombreuses conditions pour en recevoir l’agrément (voir CE, Ass, 13 juillet 2016, n°395824).
La suite sera particulièrement intéressante, que ce soit par la décision du tribunal de commerce de Nanterre mais également concernant la décision de l’appel qui vient d’être interjeté par le Groupe TF1.
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